MAIGRET DANS LA NUIT
Rue Fontaine, il y avait les lumières
des boîtes de nuit, les portiers, les chauffeurs des voitures qui stationnaient.
Ce n’est qu’après la place Blanche, quand on prit, à droite, le boulevard
de Rochechouart, que la situation se dessina.
Joseph Audiat marchait devant, d’une démarche irrégulière, fébrile, sans
jamais se retourner. Vingt mètres derrière lui, Maigret, énorme, les mains
dans les poches, faisait de grandes et calmes enjambées.
Dans le silence de la nuit, les pas d’Audiat et de Maigret se répondaient,
ceux d’Audiat plus rapides, ceux de Maigret plus puissants et plus graves.
Derrière eux venait enfin le ronronnement de l’auto d’Eugène.
Car Eugène et le Marseillais avaient pris place dans la voiture. Ils la
conduisaient lentement, au pas, en longeant le bord du trottoir et en
essayant, eux aussi, de garder leur distance. Parfois ils devaient changer
de vitesse pour maintenir leur allure. Parfois aussi, brusquement, ils
faisaient quelques mètres, d’un bond, puis attendaient que les deux hommes
aient repris de l’avance.
Maigret n’avait pas eu besoin de se retourner. Il avait compris. Il savait
que la grosse voiture bleue était là. Il devinait les visages derrière
le pare-brise. |