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biographie   Il était une fois...Dominique Rolin


dominique rolin


Dominique Rolin est née le 22 mai 1913 à Ixelles. Son père était bibliothécaire. Sa mère, Esther, parisienne,enseignait la diction.Un frère est né en 1915 et une soeur en 1918. Les trois enfants ont grandi dans un climat familial peu commun dont les traces apparaissent dans plusieurs romans.

Très jeune, Dominique Rolin inventait des histoires qu'elle transcrivait et illustrait. Adolescente, elle fait des études de bibliothécaire et de dessin. Elle est engagée à la bibliothèque de l'Université libre de Bruxelles où elle restera dix ans.

Elle a vingt et un ans quand une revue publie l'un de ses récits. En 1937, elle se marie et, l'an d'après, donne le jour à une petite fille, Christine (la Ma-Ta présente dans plusieurs romans). Elle achève "Les marais", en 1942 les Éditions Denoël.
En 1946 elle va s'installer à Paris où paraît déjà son troisième livre. Désormais, elle ne cessera plus d'écrire et ses romans seront édités à la cadence presque immuable d'un tous les deux ans.

En 1952, elle remporte le Prix Femina avec Le souffle. Ce succès lui permet d'acquérir une vaste propriété à une quarantaine de kilomètres de Paris. Elle s'y installe avec sa fille Christine et Bernard Milleret, qu'elle épouse en 1955, devenant ainsi française. En 1957, elle remporte le prix Lugné-Poe avec une pièce, "L'épouvantail". Bernard Milleret meurt en mars de cette année-là. Dominique Rolin en est cruellement blessée. Trop seule dans sa résidence campagnarde, elle revend sa maison et se réinstalle à Paris. Elle siège au jury du prix Femina.
Dès 1965, sort "Le for intérieur".

Dominique Rolin quitte en 1963 le jury du Femina et devient membre de celui du prix Roger Nimier. En 1967 avec "Maintenant", premier d'une série de neuf romans aussi étonnants par leurs qualités formelles que par la profondeur parfois austère de l'introspection à laquelle leur auteur va systématiquement se livrer. Dominique Rolin publie aussi, en 1978, un roman «hors-série» qui présente toutefois les traits caractéristiques et bien connus de son écriture. C'est "L'enragé", une biographie romancée de Breughel l'Ancien qui lui vaudra, à Bruxelles, le prix Franz Hellens.
En 1980,elle obtient le prix Kleber Haedens. En 1988, elle est élue comme membre étranger à l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises, pour succéder à Marguerite Yourcenar. Elle y est accueillie le 22 avril 1989.



      Deux femmes un soir

Désorientée, ma fille! Elle estime qu'elle s'est laissé avoir par un afflux de sentiments standard. Elle ne maîtrise plus la situation et ça la gêne, elle se demande comment en sortir, la pauvre petite chérie. Mon strict devoir de mère est de lui rendre sa sérénité, une sérénité qui se refuse à la fatalité des effusions.
Je veux l'aider. Je vais l'aider. Je l'aide. Fions-nous aux corps. L'âme et le cœur sont des facteurs incontrôlés de décomposition. La preuve: elle a pris son air frileux rétréci. Alors, moi: «Que penses-tu de ma prothèse dentaire?»

Bravo. «Prothèse» la remet dans le droit chemin, elle redevient toute rose avec une touche de lumière au sommet des joues. Soyons honnête: j'ai failli me laisser avoir aussi. Ouf. «Superbe», me dit-elle dans un joli soupir.
Pour consolider mes défenses je lui raconte une fois de plus mes rendez-vous chez le stomatologue et comment il cisaillait, fouillait, vissait, etc. D'habitude elle se rebiffe. Pas ce soir. Douce mais ardente, elle écoute. «Rincez-vous», m'ordonnait le bonhomme aussi bienveillant que taciturne.
Enfin planté l'appareil, il avait seulement grogné «fa-bu-leux» puis «somptueux» pour glisser un peu de poésie dans nos rapports. En fait il s'adressait à ma bouche plutôt qu'à moi. Pourquoi choisir cette spécialisation ignoble?

Par vocation, sans doute, commente ma fille. Ça y est, je la tiens. Il n'y a plus qu'à conclure: le stomato est un aventurier des profondeurs, il s' intéresse à nos grottes miniatures pour y satisfaire son instinct d' agression. Tous les hommes sont des violeurs en puissance.

Je la tiens si bien, ma petite, qu'elle étouffe de rire. Maintenant elle sait que nous avons crevé le mur cadastral séparant nos terrains, elle est rassurée, l'air libre qui commence à nous fouetter annonce d' intéressantes prospections, des repos ombragés dans les creux avec une infinité de saveurs, senteurs, tacts, plaisirs et lassitudes. Moi, provocante: «Mademoiselle Shadow Memory, es-tu vraiment ma fille? - Oui et non, madame Constance A.»